Les prothèses numériques du corps humain : de l'humain réparé à l'humain augmenté. Histoire et actualité de la "cyborgisation" de la société et des individus par le numérique et l'intelligence artificielle (IA).
Comment faire au mieux aujourd’hui pour que demain soit un futur désirable ?
Les Intelligences artificielles (IA) sont des logiciels et des dispositifs en réseau prometteurs et utiles. Dans de nombreux domaines (médecine, éducation, arts…) les IAs sont des atouts technologiques potentiellement très précieux.
Il est important cependant de bien réfléchir aux enjeux que cela soulève aujourd’hui pour que, demain, le développement de l’IA soit vécu comme un atout et non comme la cause de déstabilisation de nos sociétés.
À notre échelle, nous proposons modestement le site ” www.technorealisme.org ” pour nourrir, ce débat, crucial aujourd’hui, à propos de l’IA.
“Hommes et femmes professionnels, experts et praticiens de l’intelligence artificielle, ou simples curieux coopératifs, parés pour la réfutation, la conversation et l’action, nous écrivons ici notre manifeste technoréaliste sur l’IA.
Le technoréalisme est une perspective qui ne rejette ni ne promeut les innovations technologiques. Il “s’inscrit dans la perspective d’une tentative d’évaluer les implications sociales et politiques des technologies afin que nous puissions tous avoir un meilleur contrôle sur la forme de notre avenir. Le cœur de l’approche technoréaliste implique un examen critique permanent de la manière dont les technologies – qu’elles soient de pointe ou banales – peuvent nous aider ou nous gêner dans la lutte pour améliorer la qualité de nos vies personnelles, de nos communautés et de nos structures économiques, sociales et politiques”.
Notre objectif immédiat est d’alerter sur l’irréalisme de beaucoup de discours sur l’IA. Comment proposer à ce sujet la base d’une délibération civique rationnelle, alors que l’on ne voit partout qu’un débat semblant opposer technophiles naïfs ébahis par le progrès, et technophobes idéologiques à tendance apocalyptique ?
L’IA de 2023 est à présent une technologie qui a le potentiel de transformer nos vies de manière significative, mais les racines de ces transformations sont profondes.
Sachant que ce terme d’intelligence artificielle, polysémique et ambigu, recouvre des réalités fort différentes et évolutives, notre ambition n’est pas d’en donner une meilleure définition. Bien plutôt, de la positionner dans sa réalité concrète intelligible, pour montrer que la recherche de stabilisation de cette notion d’IA est probablement vaine. Au contraire : il importe de se doter d’un vocabulaire opérationnel et de représentations partagées, comprises par les personnes qui s’occupent en pratique de faire fonctionner l’IA.”
Le but de ce site qui met en ligne sous forme html un livre de 135 pages coécrit par une douzaine de participants n’est pas d’imposer un point de vue ou une définition quelconque mais :
d’élaguer les notions fantaisistes sur l’IA qui gênent la réflexion ;
de proposer des bases saines de discussions et d’échanges.
Le texte de ce manuel, initié par Arnaud Billion et hébergé par Arnaud Levy, fut l’objet de nombreux aller-retours cette année entre les auteurs. Nous n’étions pas toujours d’accord ! Forcément.
Justement, c’est en précisant notre pensée subjective et en avançant des éléments objectifs que nous avons tous, ensemble, progressé sur la question de la compréhension de ce qu’est l’IA.
Nous vous invitons tous à continuer cette réflexion sur le serveur Slack associé au site ou ici, sur LinkedIn, avec nous.
Suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, de nombreux universitaires et scientifiques ont quitté le pays. Plus de 30 chercheurs ukrainiens déplacés par la guerre ont rejoint temporairement l’Université du Luxembourg.
Le savoir-faire et les recherches menée en Ukraine, notamment à Kharkiv, ont, pour rappel, largement contribué aux avancées technologiques de l’époque soviétique. D’ailleurs, le fondateur du programme spatial de l’URSS, Sergueï Korolev (1906-1966), “père” de Spoutnik et des fusées Soyouz était un soviétique ukrainien. Il en va de même pour Valentin Glouchko qui fut le plus important concepteur de moteurs des lanceurs spatiaux soviétiques et qui a également influencé les programmes spatiaux des USA (moteurs de la fusée Atlas V encore en service, par exemple).
Il enseigne à distance aux étudiants des disciplines telles que l’Internet des objets (IoT), la technologie du cloud, la fiabilité des micro-systèmes et l’ingénierie socialedans les systèmes bureautiques à l’université de Kharkiv.
Il a à son actif plus de 100 publications dont 4 certificats pour inventions.
En 2020, il a publié un manuel sur l’Internet des objets (IoT) en Ukraine. Actuellement, il travaille sur ce livre avec Dr. Maxime Derian, son collègue local et co-auteur.
L’objectif de ce travail en commun entre les deux chercheurs est de traduire le livre en français et d’y intégrer des ajouts portant sur le contexte et les enjeux sociaux de l’essor actuel de l’Internet des objets, mais aussi du Cloud computing, du Edge computing et de la domotique.
En effet, l’IoT est un outillage technique numérique qui tend à être incontournable aujourd’hui dans notre société. Il permet déjà l’interconnexion de milliards de dispositifs numériques s’inscrivant dans la perspective de l’ « informatique ubiquitaire ».
L’IoT constitue une formidable opportunité technologique pour permettre :
d’améliorer les économies d’énergie ;
d’optimiser les circuits logistiques ;
de stimuler la productivité des entreprises, et ;
de contribuer à une plus grande sécurité et une meilleur santé voire d’augmenter le confort de vie des individus.
L’écosystème numérique des objets connectés est voué à encore connaître beaucoup d’innovations dont certaines demeurent encore insoupçonnées. Celui-ci s’étend et se perfectionne sans cesse et constitue probablement l’un des facteurs de bouleversements en cours de la société.
L’ingénierie sociale rendue possible par l’IoT combiné au web semble en mesure de provoquer des mutations anthropologiques majeures qui ont sont déjà manifestes depuis que nous sommes entré dans l'”ère du tout numérique“.
En effet, le développement de l’IoT ne sera pas sans conséquence. L’historien et sociologue Jacques Ellul (1912-1994) a fort bien énoncé l’idée que, les techniques et les technologies ne sont jamais neutres. Leur existence même et leur disponibilité affecte, et parfois conditionne, les comportements des humains.
« (La technique) n’est pas une sorte de matière neutre, sans orientation, sans qualité, sans structure : elle est une puissance dotée de sa force propre ; elle infléchit, dans son sens spécifique, les volontés qui l’utilisent et les buts qu’on lui propose. »
Jacques Ellul dans : La technique ou l’enjeu du siècle, Paris, Armand Colin, 1954.
Pour réfléchir à ces changements, Dr. Maxime Derian a proposé le concept d’avènement de sociétés-ruches qui, selon lui, seraient des organisations humaines à l’échelle continentale (Occident, Russie, Chine…) qui seraient en train de se mettre en place au XXIe siècle.
Ces sociétés-ruches seraient concurrentes sur Terre en raison de la rivalité pour l’accès aux ressources limitées de la planète.
En contraste avec les empires coloniaux du passé plus ou moins récents, la société humaine “en essaim” (en quelque sorte “cyborgisée”) serait façonnée par le recours constant à des prothèses cognitives et à des dispositifs IoT. Cet outillage numérique quasi omniprésent et emmaillotant les populations individu par individu deviendrait, tels les phéromones chez les insectes, le ciment “logistique” du lien social, et de la politique tout comme le mode privilégié de contrôle social et psychologique des ces nouveau groupes sociaux par leurs dirigeants.
La métaphore éthologique de la ruche tient du fait que pour Derian l’organisation sociale de cette Ruche sociale mettra progressivement moins l’accent sur l’individu comme base du groupe (comme cela a été le cas à partir du siècle des Lumières) en reconnaissant davantage le primat d’une nouvelle forme de communauté reconfigurée par le numérique et centrée sur des nouveaux oligopoles technologiques.
Ces nouvelles communautés humaines auront métaphoriquement à leur tête des “reines” (institutions centralisées constituées d’un individu ou d’une oligarchie ayant recours à l’Intelligence Artificielle et un grand contrôle des outils numériques). Le reste de la population des différentes société-ruches sera constitué, toujours métaphoriquement, d'”ouvrières” (individus connectés en permanence et en temps réel via les prothèses cognitives, l’informatique ubiquitaire et peut-être le Métaverse).
Ainsi, d’une part, réfléchir à l’histoire, à la forme technique concrète prise par les outils numériques ainsi que par leurs multiple protocoles de connexion (ZigBee, IPv6, Bluetooth, wifi…) et de leur alimentation électrique est important pour comprendre ce que l’on dénomme “l’IoT”.
D’autre part, il est utile de tenir compte du contexte social dans lequel se développe aujourd’hui cette nouvelle technologie pour mieux penser et envisager le monde de demain.
Ainsi, ce livre visant à faire mieux connaître l‘IoT, le Cloud computing et l’Edge computing sera directement utile aux étudiants en micro-électronique et en IT mais cela il a aussi pour objectif de contribuer au débat actuel portant sur la meilleure façon de développer l’IoT tout en limitant les possibles dérives.
Le cloud et l’edge computing débloquent l’accès aux technologies futures et émergentes, telles que l’intelligence artificielle, l’internet des objets et la blockchain. Il joue un rôle essentiel pour favoriser une économie européenne compétitive et innovante à l’ère numérique.
Dans certaines parties de la région Minett, au sud du Luxembourg, le paysage peut être considéré comme une sorte de palimpseste.
Pour les historiens et les archéologues, un palimpseste est un support d’écriture, par exemple un parchemin, qui est utilisé plusieurs fois après effacement du texte précédent. Au fil des siècles, le paysage du Minett a en effet beaucoup changé au gré des interventions humaines. Le sol raconte de nombreuses histoires qui se chevauchent et s’entremêlent. Certains éléments ont été entièrement effacés, tandis que d’autres traces du passé subsistent.
Un voyage historique et archéologique à travers le temps met en évidence les nombreux changements dans la région : de l’agriculture (avant 1850) à la période postindustrielle (depuis les années 1990), en passant par la période industrielle (1850-1970) et la crise sidérurgique (années 1970-1980).
Les transformations du paysage se reflètent également dans les différents noms utilisés pour qualifier la région au fil du temps. À l’instar des écritures successives sur un palimpseste, quelques noms plus anciens ont été oubliés, d’autres ont été ajoutés, tandis que certains coexistent depuis la période industrielle. Parmi ces noms, on trouve des références à la géologie, à des sociétés industrielles ou à des usines spécifiques. Plusieurs noms sont par ailleurs le fruit de métaphores…
Texte complet de Maxime Derian et de Werner Tschacher publié dans la brochure de l’exposition “Remixing Industrial Pasts” (2022)